13 avril 2011

Les Loups et les Agneaux, contrefable

Au moment où j’écris ces mots, une fois de plus, l’article du jour sur Bertrand Cantat est le plus commenté sur le site du Monde. Cette fois-ci, c’est une plaidoirie parue à la rubrique Idées sous la signature de Marie Dosé, avocat à la Cour.

Une fois de plus les commentaires sont enflammés, et la passion ne s’éteint pas. L’affaire Cantat va-t-elle devenir l’affaire Dreyfus de ce début de siècle ? Pas plus de quelques jours si on prend la peine de remettre le bon vocabulaire sur ce qui s’est passé.

Du côté des anti-Cantat, on exagère très fort. Passons vite sur le degré zéro de l’ignominie, atteint par l’indélicat personnage qui proclame « Cantat pue », et concentrons-nous un moment sur le terme « assassin » employé quant à lui dans d'assez nombreux commentaires d’apparence plus digne. Il faut arrêter avec le terme d’assassin. Combien de fois faudra-t-il l’expliquer ? Bertrand Cantat n’est pas et n’a jamais été un assassin. On ne peut même pas le désigner comme meurtrier, car la volonté de tuer n’a pas été retenue contre lui. Il a été condamné pour coups et blessures ayant entraîné la mort. C’est tout. C’est déjà beaucoup, c'est déjà trop, mais c’est tout, et cela ne justifie en rien le déchaînement de haine de certains qui vont jusqu’à remettre en cause la chose jugée, estimant qu’ils ont bien le droit de hurler avec les loups devant leur écran.

Du côté des pro-Cantat, on exagère bien aussi. L’affaire a été jugée, la peine a été purgée, on estime donc que tout doit se passer comme si rien ne s’était passé. Et là aussi le vocabulaire est excessif : il y a un tel déchaînement de gentilesse et de pardon en faveur de Cantat que même quand on ne supporte pas les hurlements des loups on ne peut pas non plus vous laisser bêler sans rien dire, mes agneaux. « Je suis personnellement convaincue que toute personne condamnée qui a purgé sa peine a droit à la réhabilitation au sein de la société et non pas à la répression éternelle », dit par exemple une certaine Ghislaine C. Bon. Oublions l’utilisation emphatique des mots « répression » et « éternelle » pour nous concentrer sur « réhabilitation ». Dictionnaire, définition du verbe « réhabiliter ». On va prendre un dictionnaire en ligne, ce sera plus simple.


Sens 1 : rétablir quelqu’un dans ces droits. Vous avez bon, Ghislaine C. Une fois que quelqu’un a purgé sa peine, il doit être rétabli dans ses droits. Si on refuse cela, on remet en cause l’État de droit.

Sens 2 : rénover un bâtiment ou un quartier. On va dire que cette définition est hors sujet. Elle le serait même si Bertrand Cantat était un monument de la chanson française.

Sens 3 : réinsérer, réintégrer dans la société. Là aussi vous avez bon, Ghislaine C. Quand quelqu’un a purgé sa peine, la société a obligation absolue de réinsérer, réintégrer cette personne.

Sens 4 : faire retrouver l’estime, innocenter. Ah oui, quand même ! Bon eh bien là, non, Ghislaine C., vous avez tout faux. Vous, et l'ensemble des commentateurs / professeurs de morale pro-Cantat qui veulent convaincre la France entière à l'exception de la famille Trintignant qu’il faut pardonner, estimer de nouveau, refaire de la brebis égarée un agneau innocent comme au premier jour. Vous n’y arriverez jamais, Ghislaine C., même pas en rêve.

On ne peut pas vous laisser plaider cela sans réagir, Maître Dosé. Applaudir quelqu’un sur scène, c’est le réhabiliter au sens 4. Or il est normal, il est sain, il est juste et bon de refuser cette réhabilitation-là, de refuser d’applaudir et de refuser très fort, à haute voix, autant le déchaînement de haine que le déchaînement de christianisme incontrôlé qui, au-delà de la justice, veut rendre le pardon obligatoire.

2 commentaires:

  1. J'adore votre plume, et même quand je ne suis
    pas d'accord!! Je n'encouragerais pas Cantat
    a remonter sur scène. Mais je pense que c'est à
    chacun de trancher. La limite à ne pas franchir
    pour moi ici est celle de donner une leçon là
    dessus.

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  2. bonjour
    je ne ferai pas de commentaires sur ce billet concernant Cantat, je ne m'en sens ni la compétence et encore moins le droit de donner un avis qui, en la matière, ne pourrait être que partial... Cela posé, on peut aussi comprendre la réaction de JL Trintignant, mais beaucoup moins celles de ceux qui s'écharpent à ce sujet, dans un sens ou dans l'autre...
    dans un tout autre sujet, la photo que vous mettez en "une" de votre billet me fait penser à une blague ou plutôt une caricature inventée par un internaute sur je ne sais plus quel site: Obama retenant la main de DSK dit à ce dernier: pas touche, c'est ma femme...
    bien à vous

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