17 janvier 2010

Le fascisme n'est pas passé en 2002

Dans un commentaire sur la note précédente, Anne Onyme, de son vrai nom Anne Machérane, me demande la chose suivante :

« Que pensez-vous, Aline des propos de Lionel Jospin : "Le FN n'est pas un parti fasciste" etc., auxquels tous les invités du plateau de Laurent Ruquier ont acquiescé ? »

Anne Machérane, je vous vois venir. Vous voulez me faire franchir les bornes des limites, me faire écrire que Papy Jospin souffre de sénilité Alzheimerienne. Je n'en ferai rien, et si j'avais été présente sur le plateau j'aurais acquiescé moi aussi.

En effet, en français contemporain, ainsi que le savent bien les grands professeurs de linguistique, « fasciste » n'est plus un mot, c'est un signal. C'est un chiffon rouge qu'on agite. Autrement dit : c'est une muleta. Ainsi donc, vous avez posé votre question à la bonne personne, Anne Machérane, en l'adressant à la spécialiste mondiale des limites à ne pas franchir. Et l'experte que je suis vous le dit avec beaucoup de force : il ne faut jamais, sauf à risquer les pires ennuis, tenter de franchir la limite mouvante tracée dans l'espace par une muleta. Il faut apprendre à la contourner si on veut se battre, ou alors il faut l'ignorer, afin de pouvoir investir son imagination et son énergie dans la recherche la porte de sortie de l'arène.

Lionel Jospin, dans l'extrait qui nous intéresse, contourne la muleta avec un talent qui force l'admiration : il définit le Front National avec les mots qui conviennent au lieu de le signaler à la vindicte populaire au nom des valeurs morales supérieures que sont la tolérance, l'ouverture et l'amour du prochain. Cela lui permet d'évacuer le fantasme et d'évaluer la menace que représente le FN, et qui est au fond faible, voire très faible.

Si vous étiez taureau dans une arène, Anne Machérane, vous devriez craindre les chevaux, les picadors, et plus que tout le matador qui sait si bien agiter son morceau de tissu, mais pas le chiffon lui-même, même si celui-ci est tâché de sang et s'orne en haut à gauche d'un œil de verre du plus mauvais effet. De même, en politique française, je vous invite à craindre ceux qui agitent le chiffon, ceux qui font profession d'anti-fascisme, ceux-là même qui ont snobé Jospin lors de la campagne de 2002 — et qui ont ainsi par contre-coup poussé Éric Besson quelques années plus tard à passer de Charybde en Scylla, à fuir la fraternitude pour tomber dans les bras de la paranoïa.

2 commentaires:

  1. Merci, Aline. En fait, je voulais surtout avoir votre avis, non pas tant sur les propos de Jospin que sur cette étonnante unanimité de plateau : les deux Eric, Ruquier, la fille du professeur Choron, une chanteuse de la Starac, un mannequin de Lagerfeld... ) Finalement, si j'ai bien pigé : tout le monde s'aime, tout le monde est content, tout le monde est d'accord avec tout le monde ? Elle est pas belle, la France ?
    Anne Onyme

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  2. Bonjour,
    Billet fort interessant, merci de nous faire partager cette positive vision des choses.
    En fait, j'ai trouvé votre blog après avoir particulièrement apprecié votre récent commentaire sur un article du monde du 27/04/2010 sur la Grece et votre savoureuse question sur la fin du monde en 2012 ... ;-)
    Bonne journée a vous,
    Simplement

    Xavier

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