4 septembre 2011

Courrier du cœur

Je suis toujours assez présente en marge des articles du Monde, et j’ai commenté à plusieurs reprises les articles d’un certain Philippe Brenot, qui écrit tous les 15 jours une chronique dans une rubrique courrier du cœur pompeusement intitulée « Psychologie » par la rédaction du site.
Voici le dernier échange en date, samedi 3 septembre.

Aline Maginot 02/09/11 - 21h40
 Philippe, c'est qui votre violoniste préféré ? Yehudi Menuhin, j'en doute. Stéphane Grapelli, ça m'étonnerait. Didier Lockwood, en avez-vous seulement entendu parler ? Non, quand on voit avec quel phrasé vous exposez vos mots dégoulinant de bons sentiments, on se dit que cela doit être André Rieu.

 Gut&Berg 02/09/11 - 22h12

 Faites-nous donc votre analyse. Juger en quatre lignes est aisé. Produire de longs textes et discours construits demande des compétence d'un autre acabit.


 Aline Maginot 03/09/11 - 09h48
 @ Gut&Berg. Chiche. Que le Monde me confie une rubrique Courrier du coeur, comme à Philippe Brunot, et mes textes cassants d'inspiration nietzschéenne seront de meilleure tenue que ses développements doucereux d'inspiration méniegrégorienne.


Suite à cet échange, voici donc le premier article de la rubrique Courrier du cœur de la Chronique irrégulière des limites à ne pas franchir, qui aurait pu être utilement substitué à celui-ci.


Courrier du cœur

Aline Maginot, spécialiste en limites à ne pas franchir, répond au témoignage de Christian.


"Marié et papa d'une fille de bientôt 10 ans, j'ai découvert il y a deux ans que je n'étais pas son concepteur. J'ai beaucoup souffert avant de finir par me rallier à l'évidence : je suis sans contestation possible son père. Nous avons expliqué à notre fille cet état de fait.
Aujourd'hui la maman décide de quitter notre foyer pour se rapprocher du géniteur avec lequel elle a renoué. Elle n'exclut pas à terme de se mettre en ménage avec ce garçon et envisage d’élever notre fille au sein de ce nouveau foyer.
J’ai énormément d'appréhensions. Beaucoup d'angoisse. J'ai peur que cette situation complexe soit génératrice de désordres chez notre fille et ne lui permette pas de se construire correctement.
Si je ne doute pas que je resterai à jamais son seul et unique père, l'apparition de son père biologique avec qui elle risque de passer le plus gros de son temps ne risque-t-il pas de la perturber ? N'y a-t-il pas de risque qu'elle finisse par penser qu'elle est le fruit d'une erreur, qu'elle soit tiraillée entre deux affections paternelles, qu'elle se trouve plongée dans un conflit de loyauté insurmontable, que l'image d'elle-même qu'elle est en train de construire soit ternie par tout cela ? Bref, que cette situation lui soit préjudiciable ?"


Aline Maginot : Christian, seul un psychologue de bazar prendrait votre témoignage pour argent comptant sans remettre en cause certaines de vos formulations, de vos convictions et de vos interrogations.


Avant même de répondre aux questions que vous posez, l’usage des termes « géniteur » et « garçon » pour désigner le père biologique de « votre fille » doivent être remis en cause. Vous savez, en général les femmes font des enfants avec des hommes, pas avec des garçons. C’est sans doute ce qu’a fait votre épouse, elle aussi. Pourquoi ce terme-là n’apparaît-il pas dans votre récit ? Ne serait-ce pas parce que vous vous croyez encore le seul Homme de sa vie ? Eh bien, il est temps de réviser ce point de vue, quoiqu’il vous en coûte, et de relativiser votre importance dans la vie de cette femme.


De même qu’il est temps aussi de relativiser votre importance dans la vie de « votre fille ». Vous aurez, à terme plutôt qu’à jamais, l’importance qu’elle désirera vous accorder, ni plus ni moins. Cette importance correspondra, ou pas, aux « explications » que vous lui avez données. Si vous avez fait ce qu’il faut pour gagner son affection, vous l’aurez, quelles que soient les éventuelles manœuvres de la mère ; en revanche, si vous avez tenté d’extorquer cette affection, eh bien votre propre marge de manœuvre se réduit et c’est très bien ainsi, parce qu’enfin cette petite fille, ou cette jeune fille, dispose de l’air dont elle a besoin pour respirer et grandir loin de vous.


Voyez-vous, au vu des informations parcellaires que vous donnez, il est possible d’imaginer au moins deux versions à votre histoire. Il y a bien sûr celle du père et mari dévoué mais trompé par une femme inconséquente, ou machiavélique, ou manipulée. Manipulée, égarée, agissant malgré elle contre son intérêt profond, et contre celui de sa fille : c’est bien ça, ça fait une belle histoire triste dont raffolent les lecteurs de Nous-Deux et de Psychologie Magazine (peut-être un peu moins ceux du Monde), parce que l’homme dévoué, dans cette histoire, est un saint qui peut encore espérer sauver sa fille même si sa femme est perdue. Ironie mise à part, cette version est plausible. Mais avec les mêmes infos, on peut aussi raconter une autre histoire, qui l’est tout autant.


Cette autre histoire qu’on peut raconter, c’est l’histoire d’un mariage semi-arrangé, comme il y en a plein dans nos belles provinces : un jeune homme quelconque, peu capable de séduire, jette son dévolu sur une jeune fille de 5 à 10 ans de moins que lui, sans expérience, encore lycéenne. Il plaît à la famille, qui encourage cette liaison parce qu’il se trouve qu’il est gentil et que sur des critères bourgeois il est un « bon parti ». Il sait proposer un projet de vie qui ne déplaît pas (voiture, maison, vacances), il arrive à se rendre indispensable et il se fait épouser. Oui mais : voilà que la jeune fille sans expérience devient une femme et rencontre un homme. Tout le contraire de son mari : l’homme dont elle a envie, pas l’homme qui a manœuvré pour qu’elle ait besoin de lui. Et qu’importe si ce n’est pas un amour raisonnable puisque c’est un amour vrai. Dans la variante de cette histoire qui nous intéresse aujourd’hui, il y a une petite fille, dont l’état-civil ne décrit pas la filiation réelle. Que fait le mari ? Eh bien il fait ce qu’il sait faire : il met en avant non pas sa personne (qui ne vaut rien, ou presque) mais la fonction qu’il peut remplir. Il prétend se rendre indispensable auprès de « sa fille », il dit à qui veut l’entendre qu’il s’inquiète énormément pour elle, et recherche cette fois-ci la bénédiction non pas de la famille mais d’un prêtre des temps modernes, un psychologue médiatique — tiens, pourquoi pas celui qui est chargé de la rubrique courrier du cœur sur le site web du Monde ?


Quel Christian être vous, Christian ? Le Christian héroïque de l’histoire édifiante ou le Christian minable de l’histoire provinciale ? Probablement ni l’un ni l’autre. Mais il est utile de savoir si vous êtes plus prêt de l’un ou de l’autre, et pour en avoir le cœur net il y a un critère très pertinent à retenir : celui de vos capacités de séduction. Êtes-vous capable, par votre personnalité, de plaire à une femme ? Une femme pas forcément de votre âge, mais un femme qui sera votre égale, qui sans avoir besoin de vous pour son confort matériel trouvera votre compagnie irrésistible et saura nouer une relation intelligente avec la petite, qui quant à elle sera bien quand elle viendra voir son père heureux de vivre ? Si vous en êtes capable, on ne peut que vous conseiller de vous lancer dans cette voie et d’utiliser toutes les ressources que vous donne la loi pour rester en contact avec votre fille si jamais on vous met des bâtons dans les roues sur ce front-là. En revanche, si vous n’en êtes pas capable, eh bien c’est que votre vie est tellement proche de l’histoire glauque que j’ai racontée que du coup elle n'est pas digne d'intérêt, et je ne vais donc pas vous conseiller grand-chose, ne serait-ce que par empathie avec « votre fille » et sa mère, qui sont enfin débarrassées d’un boulet. Dans ce cas-là dégagez Christian, faites-vous oublier : c’est ce que vous avez de mieux à faire.

5 commentaires:

  1. Je suis venu ici suite a une réponse que vous avez faite sur lemonde..je voulais répondre sur le site mais trop compliquer a faire..donc je viens ici. Et là je suis abasourdie sur ce que je lis.. le premier article..je ne sais pas si l'histoire de Chritian est vraie ou pa, mais de voir une réponse comme vous faites c'est angoissant, déséspérant.

    Vous jouez au psy mais façon Daria ..

    Si son histoire est vraie peut etre que vous avez carrément cassé la vie de cet homme qui a la base est venue demandé conseil ..et vous que faites vous? Vous l'humiliez, vous vous sentez plus forte, ( comme tous les gens qui s'en prennent au faibles, a ceux qui ont des problèmes..

    Sans parler que dans votre réponse il y a forcement une part de votre vécu ..


    Je pourrai faire pareil que vous avec une analyse de pseudo psy..
    Vous avez évolué dans le milieu bourge. A l'adolescence vous en avez fait voir de toute les couleurs a vos parents.

    Coter coeur vous avez voulu au début presenter un garçon qui leur convenaient. Gentil poli, plus agé que vous de 5 a 7 ans. C'est lui qui vous a dépucelé. Pour vous au début dans votre monde de bisounours vous voyez cela comme de l'amour du moins vous avez fait votre film car intérieurement vous avez toujours sur que vous le jetterez ce mec qu'il vous servira juste de god pour vous dépucelez . Car vous navez pas assez de cran pour établir une vraie relation et vous avez besoin.

    Vers 22, 23 ans la vous rencontrez d'autres profils complétement différent ..c'est sur que vous ne vous etes jamais soucié ce quest devenu votre premier garçon ( oui on appele cela n garçon, un garçon cest un mec une fille une meuf ).

    Vers 22 ans comme beaucoup vous cherchez plus l'homme ( et non le garçon ) ..oui il y a quand meme une différence ..lhomme cest le mec qui a quand meme des moyens financiers.. le garcon cest celui qui a la sincérité la gentillesse, lhonneté..
    Vous etes donc bien vénale Aline.Mais bien sur dans le milieu bourge on vous a pas appris a la faire voir et en avoir conscience surtout .
    vous pensez défendre le monde, alors que vous ne connaissez rien . Vous etes dans votre petit monde ..sans doute avec votre fort caractère dont vous snobbez ceux qui ne sont pas de votre avis ou alors forcement vous débattez mais sans chercher vraiment a comprendre mais juste pour avoir le dernier mot

    pour vous la seule chose qui compte gagner.. etre la meilleure ..

    vous pensez que les robots remplaceront les humeurs de se tuer a la tache du travail ..
    on vous a mis dans la tete que l'on doit suer au travail ..bravo Alice vous etes un robot au service de la sté

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  2. Mais non, Maynone...
    Il faut aimer les chats pour comprendre et apprécier ce degré :)

    Mrraooww

    =^.^=

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  3. Ben moi je trouve que c'est acide mais ne manque pas d'humour. Et ça change, il faut bien le reconnaître, des niaiseries habituelles, y compris celles de Philippe Brenot. Merci.
    Ce que je retiendrai, qui me fait peur en tant que père divorcé mais que je pense depuis longtemps, c'est la phrase "Si vous avez fait ce qu’il faut pour gagner son affection, vous l’aurez, quelles que soient les éventuelles manœuvres de la mère". Ce qui est vrai, à terme. Les manoeuvres finissent toujours par retomber sur les pompes de l'initiateur(-trice). Heureusement.

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